Loin de la Somalie, les pirates écument aussi les routes d’Europe
CAMIONS ATTAQUÉS | A des milliers de milles des eaux somaliennes, sur terre, des bandes organisées rançonnent durement le transport de marchandises en Europe: 12 milliards de francs de pertes annuelles. La police s’en inquiète. A Genève, l’Union du transport international confirme un péril montant.
Loin de la Corne de l’Afrique et de l’attention des médias, des pirates de la route rançonnent l’Europe, première économie mondiale. Préjudice estimé: plus de 8 milliards d’euros par an (12 milliards de francs), selon un récent rapport d’Europol, l’Office de police européen. Le long des principaux axes routiers du transport sur le continent, des gangs ponctionnent, pillent, détournent des cargaisons entières de marchandises.
Un routier sur six attaqué
Métaux – cuivre et nickel, particulièrement –, alcools, cigarettes, vêtements de marque et ordinateurs sont les frets les plus convoités. Et dans ces abordages terrestres, les pirates multiplient les ruses pour arriver à leurs fins. Faux policiers, déviations fictives, ordres de déchargement falsifiés, accidents simulés: tout est bon. Les bandits ont aussi de plus en plus souvent recours à des agressions physiques ou à de courtes prises d’otages, menaçant les chauffeurs routiers d’armes à feu ou même d’explosifs.
«Ce phénomène en nette augmentation nous inquiète. Et la crise économique risque d’aggraver encore les choses», note Peter Krausz, chargé du transport marchandises au siège de l’International Road Transport Union (IRU), à Genève. L’an dernier, cet organisme a publié sa propre enquête auprès d’un échantillon de ses conducteurs. Les résultats ont été édifiants: un chauffeur routier sur six interrogés a été attaqué sur une période de cinq ans (2000-2005). Et parmi eux, près d’un sur quatre a été agressé physiquement.
«A notre grande satisfaction, Europol a pris le problème au sérieux», commentait hier Peter Krausz, interrogé sur le dernier rapport de l’Office européen de police, à La Haye. «La piraterie routière ne suscite pas autant d’attention que celle pratiquée en mer, au large de la Somalie. Les deux présentent cependant des similarités. Même si nous disposons de peu d’éléments de comparaison», commente-t-il.
Agressions sur les aires de parking
«La piraterie routière menace la libre circulation des marchandises en Europe», n’hésite pas à déclarer Rob Wainwright, le patron d’Europol. En Europe, la route est en effet de loin le vecteur de transport de marchandises dominant. «Trois pays très exposés ont réagi en créant des unités spécialisées, qui ont fait baisser le nombre d’attaques», note Peter Krausz, qui cite en exemple la Grande-Bretagne, la Belgique ou la France. Mais rien de coordonné n’existe à l’échelle du continent.
L’IRU, de son côté, a listé plus de 2000 aires de stationnement, en distinguant les plus sûrs, sous vidéosurveillance, pour les entreprises de la branche. Car près d’une attaque sur deux se déroule sur des parkings. Le risque varie selon les pays (voir infographie ci-dessus). Très modéré en Suisse, le danger est, selon Europol, élevé en Roumanie, en Hongrie, en Russie ou en Pologne. De son côté, la Transported Asset Protection Association a pointé les pertes rapportées au trafic. La Grande-Bretagne arrive en tête.
Dans la «corne de l’Europe», une enquête de police a démontré que la piraterie routière alimentait en fonds le trafic de drogue.